Trop peu d’enfants souffrant de troubles déficit de l’attention ou d’hyperactivité bénéficient du traitement qu’ils devraient avoir. A l’inverse, trop d’étudiants l’utilisent mal, avec des conséquences importantes.
Depuis sa commercialisation en France en 1996, la
Ritaline® et autres psychostimulants du même ordre (Concerta®, Quasym® et Medikinet®) ont permis à des centaines de milliers d’écoliers de suivre un cursus normal alors qu’ils étaient en situation scolaire périlleuse. On estime en effet que de 2 à 5 % des enfants d’âge scolaire souffrent de
TDAH ( trouble déficit de l’attention/ hyperactivité), un syndrome d’origine inconnue et qui peut mélanger plusieurs symptômes.
Parfois l’hyperactivité et l’impulsivité prédominent, donnant des enfants incapables de tenir en place, d’attendre leur tour, impatients, ayant besoin d’agir mais le faisant de façon désordonnée et inefficace. D’autres fois, c’est le déficit de l’attention qui est au premier plan, avec une incapacité à terminer une tâche, l’évitement de celles qui nécessitent une attention soutenue et une distractibilité majeure. Et des formes mixtes sont possibles.
D’après les données de l’Assurance-maladie, fondées sur les bénéficiaires du régime général, 48.895 personnes étaient traitées par méthylphénidate en 2014 en France. Surtout des jeunes, puisque 20.000 étaient âgés de 6 à 11 ans et 20.000 autres de 12 à 17 ans. Il est habituel d’interrompre le traitement en périodes de vacances scolaires pour voir si celui-ci est toujours nécessaire.
Risques d’effets indésirables du traitement
Quoi qu’il en soit, 40.000 enfants traités, c’est insuffisant. Dans son dernier rapport sur les données d’utilisation et de sécurité d’emploi en France du méthylphénidate (avril 2017), l’Agence du médicament (ANSM) estime que «le nombre d’enfants souffrant de TDAH en France métropolitaine serait compris entre 190.000 et 480.000 ». Ainsi, plusieurs centaines de milliers d’enfants ne bénéficient pas du traitement qu’ils devraient avoir.
L’ANSM souligne pourtant que le TDAH «est à l’origine d’une altération importante des relations avec l’entourage et de l’apprentissage scolaire, et nécessite une prise en charge psychologique, éducative, sociale et familiale, en particulier quand les symptômes deviennent un handicap et sont une source de souffrance».
Il faut dire que la brochure de l’ANSM destinée aux parents fait frissonner tant elle insiste sur les risques d’effets indésirables du traitement. Sur le plan neuropsychiatrique: l’apparition de tics moteurs ou verbaux, d’agressivité, de manque d’appétit, voire d’hallucinations, de paranoïa ou de dépression. Sur le plan cardio et cérébro-vasculaire: palpitations, maux de tête, etc. La brochure rappelle aussi que «le méthylphénidate pourrait ralentir la croissance et la prise de poids».
«Vigilance requise»
Le 12 janvier dernier, la commission des stupéfiants et des psychotropes de l’ANSM se penche sur le méthylphénidate. Ce jour-là, le Dr Samira Djezzar (Centre d’évaluation et d’information sur la pharmacodépendance de Paris), présente les résultats de l’enquête officielle d’addictovigilance. Elle souligne «une tendance générale à la hausse des cas de pharmacodépendance notifiés».
Mais le Dr Luc de Haro, médecin généraliste à Marseille, suivi par d’autres membres de la commission, met en garde: «La vigilance est requise pour ne pas priver du traitement les enfants qui en ont besoin tout en évitant les dérives», fait-il remarquer. Finalement, la commission propose à l’unanimité de rappeler aux médecins et pharmaciens «les conditions de prescription et de délivrance, précisant les différents risques notamment chez l’adulte liés à l’abus et au détournement du méthylphénidate». Prudent, mais sans doute insuffisant pour améliorer l’utilisation chez les enfants.